André SEHET raconte la guerre de 14/18, La Chaussée pendant la guerre.

 

 

1914

 

Avant 1914, la population vit dans l’angoisse. Il y a du chômage dans les usines et on assiste à une montée du racisme.

L’archiduc François Ferdinand, héritier de la couronne d’Autriche est assassiné à Sarajévo, le 28 juin 1914.

 

La tension monte en Europe. C’est la crise .

 

Le 31 juillet le pacifiste Jean Jaurès est assassiné

Devant la menace de guerre, 2 blocs se font face :d’un côté ,

la France, l’Angleterre et la Russie.

De l’autre
l’ Allemagne ,l’ Italie et l’Autriche- Hongrie.

 

C’est la course aux armements.

 

Le 1er Août, la France mobilise.
Le garde de La Chaussée-Tirancourt affiche l’ordre de mobilisation à la porte de la mairie. Alors, les jeunes quittent le village pour rejoindre Amiens.

Le quai de la gare de Picquigny est bondé .

10 000 soldats affluent dans les casernes d’Amiens.

Ils laissent les travaux des champs et la moisson qui n’est pas terminée aux femmes, aux enfants et aux personnes âgées qui s’en chargeront.

Chacun espère être rentré pour battre le grain à l’automne. Il paraît que le conflit ne durera pas !

 

Le 3 Août, l’Allemagne déclare la guerre à la France.

Dans chaque camp, on croit que l’on sera rentré pour la fin de l’année !

En fait, le conflit durera plus de 4 ans…

« Nach Paris ! » crient les soldats allemands enthousiastes.

« A Berlin ! » leur répondent les Français qui partent joyeux, en train, sur le front de la Lorraine.

Hélas, en quelques jours, les Allemands envahissent la France !

L’offensive allemande est rapide.

 

Notre département voit les troupes ennemies arriver le 28 août. Le 30 Août, le Génie fait sauter les ponts autour d’Amiens dont ceux de Picquigny et d’Ailly sur Somme.

Malheureusement, le 31, les Allemands entrent dans Amiens, y installent une Kommandantur et prennent des otages.

Une rue porte encore le nom de «Rue des Otages» en souvenir de ces moments tragiques.

D’après les communiqués officiels, en date du 3 septembre, les Allemands sont près de Picquigny, de l’autre côté de la Somme. Le 9, ils sont encore à Ailly-sur-Somme où des détachements de la cavalerie séjournent.

L’occupation d’Amiens durera jusqu’au 12 Septembre.

 

LA BATAILLE DE LA MARNE qui commence met un arrêt à la progression vers Paris.

En effet, l’état major allemand doit envoyer du renfort sur la Marne. Pour conduire les soldats au front, les taxis parisiens sont réquisitionnés.

 

6 jeunes soldats de La Chaussée-Tirancourt périssent au cours de cette bataille.


- le 3 septembre : Émile THUILLIER est tué. Il a 23 ans.
- le 7 septembre, son frère Arthur THUILLIER est tué à l’âge de 29 ans.
- Le 13 septembre Laurent MALBEC est tué. Il a 24 ans !
- Le 14 septembre, Henry HORVILLE est également tué. Il a 22 ans.
- Le 15 septembre, Léopold ISAMBOURG trouve la mort à 23 ans.

- Le 16 septembre 1914, Vincent MIANNAY, est tué à l'âge de 31 ans.

 

Toutes les familles de notre village vivent dans l’angoisse en se demandant qui va être le prochain ?

 

Ensuite, c’est la « course à la mer » où pendant plusieurs semaines, le front s’étend vers l’ouest sur une longueur de 750 km, de la Belgique à l’Alsace.

En octobre 1914, notre département est occupé à l’est d’une ligne qui va d’Albert à Montdidier.

 

En novembre, la guerre de mouvement va céder la place à la GUERRE DE TRANCHÉES.

Un monde souterrain se crée avec ses fortifications, ses hôpitaux, ses cantines, ses tranchées. Pendant près de 40 mois, des hommes vont vivre, ou plutôt SURVIVRE, terrés dans le froid, la boue, la vermine et sous le feu des canons.

 

Le 18 novembre 1914, ALCIDE LENOIR , meurt à l’hôpital d’Amiens des suites de blessures subies le 11 novembre 1914 en Belgique.
 

Un autre soldat, Laurent GUILBERT est également tué le 11 novembre en Belgique. Il a 36 ans. On ne retrouvera pas son corps.

 

 

 

En décembre 1914, l’institutrice du village, Mademoiselle COMONT, fait confectionner par les filles de sa classe, des chaussettes, des gants, des tricots, et des chandails, pour nos soldats qui ont froid dans les tranchées.
 

 

1915

 

Depuis la fin de l’année 1914, les soldats vivent dans les tranchées où l’on trouve des hôpitaux, des cantines…

Pendant près de 40 mois, des hommes vont vivre, ou plutôt SURVIVRE, terrés dans le froid des tranchées, la boue, la vermine et sous le feu des canons.

 

 

Pour s’occuper, les soldats font parfois des sculptures avec des obus, des petits objets, comme des bagues, des briquets…. Très souvent le poilu écrit à sa famille ou à ses amis. Voilà ce qu’écrivait, en janvier 1915, le jeune Léon WALLON à ses cousines :

« Je vous souhaite une bonne année et une parfaite santé. Espérons que la guerre sera bientôt finie car je m’ennuie du pays. En attendant de vous revoir. Votre petit cousin qui vous embrasse bien fort. » Léon

Il a alors 19 ans ! Malheureusement, il ne revit jamais son village.

Le 5 août 1915, Léon écrit de Verdun à sa sœur :

« Chère petite sœur,
Je t’envoie une bague en aluminium. C’est la première que j’en fais. Lorsque j’en retrouverai, j’en ferai d’autres. C’est dur à faire. Tu m’écris si tu l’as reçue. Je suis toujours à la même place, mais je pars demain à 3 heures du matin pour une destination inconnue. J’espère que tout le monde est en bonne santé à la maison. Moi, de mon côté, j’ai un rhume mais ça ne fait rien, ça va bien. Il fait froid où je suis, ce n’est plus le même temps qu’à Amiens. Il faisait si chaud et surtout on avait un bon lit : là, on couche par terre, sur 3 bottes de paille, ça fait les reins !
Je t’embrasse bien fort ainsi que toute la famille, ton frère qui t’aime : Léon.

 

Malgré des conditions de vie déplorables, il ne se plaint pas !

 

L’année 1915 est relativement calme dans la Somme, néanmoins 6 jeunes périrent au cours des combats, dans la Marne, dans la Meuse et dans l’Aisne :

- Alexis TRENCART est tué le 15 Mai, à 23 ans, à Mesnil-les-Hurlus, dans la Marne, village complètement détruit pendant la guerre.

- Léonce BLONDEL est tué le 13 juillet ; il a 21 ans.

- Raymond ALEXANDRE a 22 ans quand il perd la vie le 28 septembre.

- Marceau MATHON meurt le 29 septembre à 23 ans !

- Robert WITASSE est tué le 10 novembre à l’âge de 25 ans.

- Thémistocle MERVILLE trouve la mort le 10 octobre. Il était sergent et avait 22 ans.

 

En 1915, Les Anglais retrouvent l’entrée des souterrains du Camp de César et pensent un moment y faire un hôpital militaire pour soigner les soldats blessés au front. Ils refont l’entrée et consolident les galeries avec des poutres en chêne qui serviront aux habitants de la Chaussée... après la guerre….

De nombreux graffitis ornent les parois des galeries des souterrains: on trouve les noms et les régiments des soldats venus du commonwealth.
 

Dans le village, il y plusieurs campements dont un, à la sortie vers Belloy et un autre près de la Croix de pierre.

Pour nourrir les troupes, des cantines sont installées; il y en avait une Rue de l’Abreuvoir et une autre à côté de la Mairie. Les cuisiniers étaient généreux avec la population, distribuant des rations de thé, du chocolat ou de la viande.

On disait même, que parfois des élèves étaient heureux de rester au pain sec dans le couloir de l’école car le cuisinier anglais leur donnait de la viande en passant…

Un bon climat régnait entre les civils et les militaires qui se rencontraient parfois pour une partie de football. Les jeunes du village faisaient les « courses » pour les soldats moyennant quelques friandises.

 

En décembre, le général JOFFRE décide de faire «l’offensive de la Somme ».
Picquigny se souviendra longtemps de la venue du Général JOFFRE. Sur une photo, on voit le général passant en revue les soldats Marocains.

 

1916

 

Le 21 février 1916 voit le début de l’offensive allemande sur Verdun où pendant 10 mois le combat va être rude et fera des milliers de morts.

Le 1er juillet 1916 commence « la bataille de la Somme » où se joignent les armées françaises et anglaises. Les combats font rage sur un front d‘une trentaine de kilomètres. C’est un véritable drame humain qui se produit : on dénombre 58 000 victimes rien que pour la première journée.

 

A la mi-novembre, les combats s’enlisent.

 

1916 verra la mort de 3 de nos concitoyens :
- Paul PICHON , tué le 21 juin. Il a 29 ans et il est marié.
- Alexandre SAINT-SAUFLIEU est tué dans l’Oise, le 6 septembre.

- Léon WALLON est tué le 29 juin à l’âge de 21 ans.

 

Au total, la bataille de la Somme a fait 800 000 morts !

 

L’année 1916 voit apparaître 2 armes nouvelles : le tank et l’avion.

 

Notre village compte un grand nombre d’ évacués, en effet, des dizaines personnes chassées de leurs villages à cause de la guerre sont évacuées et résident à La Chaussée-Tirancourt , ce sont des « migrants »: ils arrivent de l’est du département, du Nord ou du Pas-de-Calais .

 

 

 


 

1917

 

 

La Somme retrouve un calme relatif, les combats se déplaçant dans l’Aisne en avril-mai au «Chemin des Dames».

 

Une grande offensive est à l’étude afin de créer une brèche dans la défense allemande. Le général Nivelle, nouveau commandant en chef, promet une victoire foudroyante, par surprise, en 48 heures !

Des moyens considérables sont mis en œuvre: 1 200 000 hommes sont prêts, mais c’est un secret de Polichinelle: les Allemands sont au courant et lancent des tracts: «nous vous attendons…»

Des soldats meurent de froid. L’offensive est reportée.

 

Le 15 avril, l’ordre d’attaque est donné pour le lendemain à l’aube.

Le 16 avril, il neige. Le brouillard est épais, c’est un temps atroce. Avec 30 kg sur le dos, les soldats ont du mal à passer les barbelés qui sont restés intacts malgré le pilonnage de l’artillerie. C’est un véritable carnage ! Les poilus tombent par milliers sous les balles des mitrailleuses allemandes. Des régiments disparaissent. « Avancez ! avancez ! » crie–t-on derrière…

Le terrain est jonché de cadavres.

Le 17, le général Nivelle lance : « La victoire est pour demain ». On compte 300 000 tués ou disparus. L’offensive s’avère inutile.


C’est l’abattement parmi les combattants dont certains refusent de monter au front.

Début mai : 40 000 hommes se mutinent !

Le 15 mai l’offensive est arrêtée. Nivelle est limogé.

Le général Pétain est appelé à lui succéder. Les mutins veulent bien garder les positions mais ils ne veulent plus attaquer ! Ils demandent des permissions plus fréquentes et surtout de ne plus être considérés comme des chiens !

Pétain sait qu’il faut aller vite afin que l’adversaire ne profite pas des troubles. Les tribunaux prononcent 3427 condamnations dont 554 à mort.

Pétain a sa méthode :
- d’abord, il éloigne les unités rebelles.

- puis il rend visite aux soldats, écoute leurs revendications, se rend compte des conditions de vie au front, réorganise les permissions et distribue des médailles et du vin….
 

En septembre 1917, les mutineries sont apaisées. La confiance est rétablie. On peut poursuivre la guerre dans des conditions plus acceptables.

4 jeunes de notre village tombèrent sous les balles ennemies :

- Etienne BOCQUET, le 14 Mars ; il a 45 ans et pourrait être le père de ses collègues de tranchée.

- Léon DUMONT est tué le 20 Mars ; il a 21 ans.

- Arsène SEVIN meurt le 24 Août. Il est capitaine.

- Charles GAVOIS meurt le 30 Novembre, à 21 ans, en Belgique.

1918

 

Les Russes faisant la Paix avec les Allemands le 3 mars, les Allemands reviennent en masse sur le front de l’ouest.
A la mi-mars, les Allemands veulent porter un coup décisif. La Somme va vivre des heures dramatiques ! L’offensive est rapide et brutale : 75 divisions allemandes sont opposées à 19 divisions alliées. Rapidement, tout l’est du département est repris; le 23, Péronne et Ham sont aux mains de l’ennemi, le 25, Roye tombe, le 26, c’est au tour d’Albert. C’est une véritable débâcle !

 

C’est alors, devant le tragique de la situation, que les gouvernements alliés, réunis à Doullens, décident enfin, l’unité de commandement. Le président de la république Raymond Poincaré, Foch, Pétain, Clémenceau retrouvent les officiers alliés dans une salle de la mairie de Doullens et décident de confier le commandement unique au maréchal FOCH.

 

Amiens est menacée, bombardée : les civils et les administrations quittent la ville. A La Chaussée, la rumeur arrive : les Allemands sont à Amiens, il faut partir ! Plusieurs personnes du village, dont mes grands-parents évacuent quelques jours à Mouflers, le temps de la contre offensive alliée.

Heureusement, le déferlement allemand est stoppé, grâce à l’héroïsme des soldats australiens à Villers-Bretonneux. Heureusement , les américains arrivent et interviennent le 28 mai 1918 à Cantigny. Le 8 août, Foch lance une vaste offensive qui va d’Albert à la vallée de l’Aisne. Début septembre, la guerre s’éloigne.

Le 9 novembre, suite à la révolution en Allemagne, l’empereur Guillaume II abdique. Les Allemands veulent en finir.

Le 11 Novembre, l’armistice est signé dans la clairière de Rethondes, près de Compiègne dans un wagon. Le caporal Scellier, à 11 heures, avec sa trompette, signale au monde que la guerre est finie.

A La Chaussée-Tirancourt, comme partout en France, les cloches se mettent à sonner à toute volée ,vers 15 heures.

L’instituteur, M. VASSEUR, fait chanter la Marseillaise aux élèves après leur avoir dit que la guerre était finie.

La joie immense des uns contraste avec la peine des autres, qui ont perdu un père ou un frère .

En 1918, deux jeunes de notre village trouvèrent la mort :

Bernard De FRANCQUEVILLE, le 26 octobre à 24 ans.

Charles DRAPIER , le 15 octobre en Belgique. Malgré son jeune âge, 20 ans, il était sous-lieutenant et chevalier de la Légion d’Honneur.

 

La guerre était finie, certes, mais à quel prix ? 23 jeunes de notre village avaient trouvé la mort pendant que d’autres, plus chanceux étaient revenus gazés ou mutilés, après avoir fait, pour certains, près de 8 années de service militaire.

Combien de morts, combien de ruines, qui ont transformé la Somme en un vaste cimetière. Et pourquoi ?

C’était, disait-on à l’époque, « la der des ders » ! Hélas on connaît la suite …

 

 

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Date de dernière mise à jour : 16/07/2019